lundi 26 novembre 2007

Le tortionnaire khmer rouge "Douch" comparaît devant le tribunal spécial

Compte rendu
Le tortionnaire khmer rouge "Douch" comparaît devant le tribunal spécial
LE MONDE | 21.11.07 | 14h54  •  Mis à jour le 21.11.07 | 14h54
BANGKOK CORRESPONDANT

"Douch", dont le vrai nom est Kang Kek Ieu, gérait la prison Tuol Sleng, à Phnom Penh. Seize mille personnes y ont été torturées. | REUTERS

REUTERS

"Douch", dont le vrai nom est Kang Kek Ieu, gérait la prison Tuol Sleng, à Phnom Penh. Seize mille personnes y ont été torturées.


roit sur sa chaise face à la cour de justice, en chemisette blanche, l'homme qui a supervisé, de son propre aveu, l'interrogatoire sous torture d'environ 16 000 personnes en moins de quatre ans, laissant seulement entre 10 et 14 survivants, a joint les mains devant son visage. Ce pouvait être une marque de respect envers ses interlocuteurs, à la manière bouddhiste. Ce pouvait être une prière d'une autre confession : il a bredouillé quelques mots qui ont passé pour une adresse au Dieu chrétien, en lequel il croit depuis que des missionnaires américains l'ont converti.


Cliquez ici ! Click Here
Kang Kek Ieu, alias "Douch", ancien directeur du centre de détention S-21, comparaissait, mardi 20 novembre, puis à nouveau mercredi, devant cinq des juges (trois Cambodgiens, deux étrangers) du tribunal à participation internationale de Phnom Penh. C'étaient les premières séances publiques de l'instance hybride installée par les Nations unies et le gouvernement cambodgien pour juger de "crimes contre l'humanité", trois décennies après les faits, les principaux responsables de la disparition violente de plus d'un quart de la population du pays.

Douch, instituteur fort en maths, âgé de 66 ans aujourd'hui, n'a rien contesté de l'acte d'accusation qui lui a été lu, lui imputant les ordres qui ont mené à la mort sous les coups, sous les chocs électriques et autres formes de torture des prisonniers dont il avait la charge. Il a déclaré d'une voix neutre "formuler un appel à (sa) mise en liberté après avoir été détenu sans procès pendant huit ans, six mois et dix jours" depuis son arrestation en 1999. Son avocat Kar Savuth a fait valoir qu'il y avait là "violation de la loi internationale et de la loi du Cambodge". Mercredi, sa défense est allée un cran plus loin : sa détention, a-t-elle argué, constitue "une violation des droits humains personnels" de l'accusé.

Plusieurs centaines de Cambodgiens écoutaient en silence, dans l'enceinte du tribunal et au dehors, la retransmission vidéo des échanges. Interrogés, les présents racontaient tous avoir perdu tout ou partie de leur famille à S-21 et vouloir, d'abord, "voir et entendre ce Douch". Depuis plusieurs années, Douch a fixé l'essentiel de sa ligne de défense : "C'étaient d'autres qui me donnaient des ordres, a-t-il déjà déclaré. Si j'avais désobéi, je serais mort."


Francis Deron
Article paru dans l'édition du 22.11.07

Aucun commentaire: