| Image d'Angkor, révélée par un radar de la NASA en 1994, qui vient d'être rendue publique. |
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Les radars de la NASA, capables de détecter des variations mineures dans la structure des sols en fonction de leur hydrographie et de leur végétation, ont complété les relevés photographiques aériens et les observations de terrain pour dessiner une cité de faible densité aussi vaste - selon la nationalité des différents chercheurs ayant participé à l'étude et les revues en faisant état - que Los Angeles, le Grand Londres, Sydney extra-muros ou... l'Ile-de-France. Les plans initiaux ont commencé à être distillés, lundi 13 août, par les comptes rendus des travaux de l'Académie nationale des sciences ( Proceedings of the National Academy of Sciences) des Etats-Unis à l'issue d'une campagne de recherches de trois ans menée par une équipe d'archéologues français, australiens, cambodgiens et de savants américains. A l'origine de cette campagne, un membre français de l'Ecole française d'Extrême-Orient (EFEO), Christophe Pottier, qui mit en partage ses propres relevés photographiques de terrain opérés lors de la reprise, à la fin du siècle passé, des travaux de la conservation d'Angkor interrompus par la guerre et le passage des Khmers rouges au pouvoir à partir des années 1970.
SYSTÈME D'IRRIGATION UNIQUE
Cette cartographie, avec le soutien de la NASA, a fait apparaître plus d'un millier de bassins artificiels nouveaux et au moins 74 temples et autres édifices en ruine dans un périmètre qui, lors de sa plus grande extension, a pu atteindre 400 km² pour la partie urbaine proprement dite, et 3 000 km² en incluant ses environs cultivés à l'aide d'un système d'irrigation unique, comprenant canaux, réservoirs et bassins de dérivation des eaux des rivières Puok, Roluos et Siem Reap, selon les travaux du Greater Angkor Project. Soit entre trois et dix fois la surface qu'on lui prêtait jusqu'à présent. Y auraient vécu entre 500 000 et un million d'habitants.
Les archéologues ne sont pas encore d'accord sur les causes du déclin d'Angkor, d'abord imputé par le khmérologue français Bernard-Philippe Groslier (EFEO), dans les années 1960, à une chute de l'équilibre environnemental : la difficulté de maintenir un système hydraulique cohérent avec une population croissante. Selon le Néo-Zélandais Charles Higham (University of Otago), il pourrait y avoir eu un facteur politique : les rois "auraient perdu leur caractère divin auprès du lumpenproletariat", a-t-il dit à National Geographic News. Le bouddhisme importé par les Thaïs aurait été moins ancré dans le pouvoir politique, le véritable ciment des immenses structures angkoriennes.
On s'accorde dans le monde universitaire sur le fait qu'à la même époque des villes - chinoises, en particulier - surpassaient Angkor en nombre d'habitants et en densité de population. Mais aucune n'occupait une telle étendue géographique.
GRAIN FRAIS À MOUDRE
Les découvertes apportent en tout cas du grain frais à moudre aux angkorologues : on n'a pas trouvé de nouveau temple dans les parages depuis 1914. Toutes les nouvelles - petites - structures identifiées, sur un axe est-ouest, vont devoir trouver une signification. L'étendue désormais établie de la riziculture permettra de quantifier d'autres données économiques. La marqueterie d'implantations humaines dans le paysage cultivé devrait fournir d'autres indications sociologiques.Chaque petite pierre de savoir va devoir trouver sa place dans un raisonnement à venir, permettant d'expliquer comment, pour reprendre la formule très anglophone du directeur adjoint (australien) du GAP, Damian Evans (université de Sydney), les Khmers d'alors, fous d'architecture, "ont eux-mêmes édifié leur passage vers la non-existence" ("built themselves out of existence"). Un écho à la formule qu'aime à citer l'ancien roi Norodom Sihanouk : "Les Khmers sont un grand peuple qui a construit les temples d'Angkor. Depuis, ils sont fatigués."
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