lundi 21 mai 2007

Manifestation pour la réintégration de syndicalistes

Cambodge : Manifestation pour la réintégration de syndicalistes

Les ouvriers de l’usine River Rich ont fait une démonstration spectaculaire contre leur patron vendredi, en brûlant les tee-shirts à l’effigie des commanditaires H&M, Zara et Indertex SA, pour montrer à quel point ils étaient décidés à se battre pour la réintégration de leurs représentants syndicaux.

Près de 200 ouvriers de l’usine de confection textile River Rich située dans le district de Saâng (province de Kandal) étaient rassemblés vendredi matin devant leur lieu de travail pour réclamer la réintégration de dix représentants syndicaux. A 8 heures, les pneus brûlaient aux portes de l’usine et les ouvriers brandissaient des pancartes interpellant les commanditaires des vêtements aussi bien que les autorités cambodgiennes : “Nous sommes contre H&M, Zara et Indertex SA qui violent le droit des ouvriers et la liberté syndicale”, “le gouvernement doit intervenir contre l’usine River Rich afin que les syndicalistes reprennent le travail”. Pendant que les ouvriers crient leur colère, le service de sécurité de l’usine éteint les flammes et tire quelques coups de feu en l’air. La bousculade ne tourne pas à l’affrontement, policiers et gendarmes ainsi qu’un camion de pompiers sont sur les lieux intervenir en cas de besoin.

Le sang des ouvriers
La guerre des hauts-parleurs reprend de plus belle, celui des grévistes contre celui de la direction. Les ouvriers proclament leurs revendications et demandent à leur patron de respecter le code du travail tandis que la direction diffuse en boucle ses avertissements par magnétophone : “Il faut que les grévistes reprennent le travail dans les 24 heures sauf les licenciés dont la cour de Kandal a confirmé le licenciement depuis le 12 avril. Sinon, nous vous expulserons tous. Et si c’est nécessaire, nous fermerons l’usine!” Les ouvriers semblent indifférents à ces menaces.

“Ca ne me fait pas peur, témoigne le gréviste Yin Sokhom. Ce qui compte, c’est que nos représentants reprennent leur place et que le patron améliore certaines de nos conditions de travail.” Autour de lui les collègues répètent que leurs dix délégués syndicaux se sont sacrifiés pour leur obtenir de meilleures conditions de travail. Trois ouvriers s’emparent alors d’un tee-shirt blanc sur lequel ils inscrivent au marqueur rouge les noms des commanditaires. Au milieu de la foule, ils brûlent cet emblême ainsi qu’un exemplaire des accords entre syndicat et patronat, signés en février, dans lesquels il est promis aux licenciés qu’ils récupéreront leur poste.

“Dès aujourd’hui, les consommateurs du monde entier doivent boycotter les marques H&M, Zara et Indertex SA parce qu’ils sont de mèche avec le patron, ils ne respectent pas l’éthique commerciale ni les droits des ouvriers”, crie Ath Thorn, président de la CCAWDU (Coalition of Cambodia appareal of worker democrate union). Selon lui, ces commanditaires affichent plus d’indifférence sur ces questions au Cambodge qu’en Chine où le marché de la confection textile est bien plus important et où les problèmes sont pris plus au sérieux.
Les choix des syndicalistes
L’affaire des licenciements de River Rich remonte aux mois d’octobre et novembre 2006, au cours desquels 30 représentants syndicaux ont été mis à la porte. Sur ce total, 20 ont accepté une indemnité de 1 500 dollars contre leur départ. Pin Sophea fait partie de ceux qui ont refusé l’argent. Il se souvient d’une proposition de l’administrateur faite un soir vers 22 ou 23 heures pour l’inciter à accepter l’indemnité. “La direction m’a demandé de chercher un autre travail tout en s’engageant à continuer à me payer 100 dollars par mois. Je pouvais décider de toucher l’argent mensuellement ou en une fois. Ensuite, il m’a proposé de suivre des cours privés pour apprendre à réparer des équipements électroniques comme les magnétophones, télévisions, radios… Ce n’était pas possible pour moi. Finalement, ils se sont engagés à me verser 5 000 dollars si je pouvais convaincre les autres de prendre l’argent et de quitter River Rich.” Devant les objectifs des appareils photo de la police et de la sécurité, Pin Sophea insiste : “Ces milliers de dollars, c’est beaucoup d’argent pour moi, mais c’est le sang des ouvriers qui paye. Si j’accepte cet argent, je contribue au mauvais traitement des ouvriers cambodgiens. Ce que je veux, ce sont de bonnes conditions de travail.”

Dans un rapport adressé aux commanditaires des vêtements, Ath Thorn conclut que le patron est prêt à dépenser beaucoup d’argent pour acheter les syndicalistes et conduire le mouvement syndical à sa disparition. De son côté, le directeur chinois de l’usine River Rich, qui par ailleurs en gère trois autres (deux à Kandal et une à Takéo) et dirige près de 9 000 salariés en tout, brandit la décision de justice contre les grévistes. “J’ai gagné à la cour de Kandal”, rappelle-t-il en référence au jugement du 12 avril. “Je suis très inquiet de ces événements et surtout que les ouvriers brûlent les marques des commanditaires. Si le gouvernement ne prend pas de mesures efficaces conformément à la loi, je mets fin à mes investissements dans le pays”, tranche Song Jian Ting en rappelant combien, par sa présence, il contribue à la réduction de la pauvreté au Cambodge. “Je vais porter plainte”, promet-il.

Le ministère de l’Emploi qui peut tenter une réconciliation en amont des décisions de justice assure ne plus pouvoir intervenir. A l’usine River Rich, les ouvriers et la direction campent fermement sur leurs positions sans aucune intention de céder.

Hier, à la sortie d’une réunion avec les représentants de la CCAWDU, Ath Thorn annonçait la remise d’une pétition lundi et prévenait : “Si le Gmac n’intervient pas, nous reprendrons la grève mais, cette fois, dans les 50 usines où nous sommes présents.”

Cambodge Soir, 21 mai 2007

Aucun commentaire: