Les peintures de pagode au fil du temps et des modes
CS 22-05-2007
CS 22-05-2007
L'Institut Reyum expose en ce moment le fruit de six années de travail : l'inventaire des fresques murales des pagodes du royaume. Un voyage inédit à travers le temps et les styles.

Norodom Sihanouk, Kennedy, Khroutchev... lors de la crémation du Bouddha (détail) - Soren Seelow
Une pagode se lit dans le sens des aiguilles d’une montre. On entre par la porte de l’Est, pose son regard sur les fresques du mur sud avant de remonter la séquence jusqu’à l’endroit par où on est entré. Pour son exposition consacrée aux peintures murales des wat, l’Institut Reyum a adopté le même dispositif. Les quatre murs étroits de sa petite galerie proposent un voyage pictural giratoire dans l’univers religieux et folklorique du royaume à travers une sélection de fresques provenant de quelque 600 pagodes du pays, soit la moitié des pagodes recensées officiellement.Cette exposition, accompagnée d’un magnifique ouvrage en vente à la galerie, est l’occasion de réviser en images les 550 vies du Bouddha, thème favori des pagodes, des scènes majeures du Reamker ou encore de (re)découvrir l’univers fantasmatique des enfers. Mais ce travail d’inventaire, fruit de six années de travail, offre surtout un aperçu de la diversité stylistique des fresques des pagodes cambodgiennes. “Il y a eu des travaux de recherche sur les peintures murales des wat, mais ils s’intéressaient essentiellement à la peinture classique de la fin du XIXe siècle. Notre équipe a fait un relevé photographique systématique dans 600 pagodes quels que soient le style et l’époque. C’est une première”, explique Ly Daravuth, directeur de l’Institut Reyum. L’esthétique des fresques au charme délavé du XIXe siècle côtoie ainsi le pimpant des peintures des années 50 dans un raccourci visuel inédit.Depuis le début de ce travail d’inventaire, plusieurs pagodes photographiées par Reyum ont déjà disparu, démolies, rénovées ou recouvertes de fresques nouvelles. Or, la connaissance des textes bouddhiques s’étant peu à peu érodée, les peintres contemporains se contentent généralement de reproduire les scènes les plus connues, faisant glisser dans l’oubli des pans entiers de la culture picturale et religieuse du pays. “Dans le passé, les peintres de pagodes étaient des bonzes. Aujourd’hui, ce sont des peintres, qui ne connaissent souvent pas grand-chose aux textes”, résume Ly Daravuth. Dans ce contexte d’acculturation grandissante, Reyum publie, en marge de cette exposition, un ouvrage pédagogique reproduisant une grande partie de ces fresques accompagnées de textes explicatifs en khmer afin, espère son directeur, de rétablir “ce lien entre le texte et l’image”.Au-delà des thèmes abordés et de la diversité des styles, cette exposition livre à la dérobée quelques détails sur le contexte socio-historique de leurs auteurs. On découvrira ainsi avec amusement une illustration pour le moins anachronique de la crémation du Bouddha à laquelle assistent, invités de marque en costume du dimanche, Norodom Sihanouk, Sukarno, Khroutchev, Nehru, Mao Tse Toung et... John F. Kennedy. Plus incongrue encore, cette scène de la distribution des cendres du Bouddha où, à côté d’un Norodom Sihanouk en uniforme, se bouscule une foule hétéroclite composée d’un mousquetaire français (à moins qu’il ne s’agisse d’un Conquistador), d’une grosse dame en manteau (de dos), d’Amérindiens débarqués d’on ne sait où (si ce n’est de la caravelle du Conquistador), de Messieurs à petite moustache et de dames portant fièrement le bustier.
Soren Seelow
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