vendredi 20 avril 2007

Les prédictions du Nouvel an sont-elles prises au sérieux ?

Le livre des prédictions de Im Borin est plutôt pessimiste pour l'année du cochon. Des présages pris au sérieux par certains, qui craignent pour leurs récoltes, tandis que d'autres, souvent plus jeunes, ne veulent pas succomber au fatalisme.

Le règne de la nouvelle déesse associée au cochon sera-t-il marqué par le malheur comme l’affirme Im Borin dans son Mahasangkran, le livre des prédictions? Selon le comité des recherches astrologiques et des mœurs khmères, l’année bouddhique 2551 n’épargnera pas au petit royaume les catastrophes. Ainsi les rendements de riz fondront-ils sous l’appétit féroce d’insectes. De quoi affecter le moral des paysans?
Depuis dix ans qu’elle travaille son bout de rizière dans le village de Thmey, province de Kandal, Mme Suong Toch croit dur comme fer aux prédictions. “Cela se vérifie à chaque fois! L’an dernier, ils avaient dit que les récoltes ne seraient pas bonnes et bien ça n’a pas raté. Mes plants de riz sont devenus tout rouges puis sont morts sur pied. J’ai perdu beaucoup... Et cette année, ils ont annoncé à la télé que cela allait être pire. J’ai bien des pesticides pour tuer tous ces insectes mais ils résistent... alors j’abandonne.” A ce rythme, la quadragénaire dit s’inquiéter d’une nouvelle chute du niveau de vie de sa famille.

Un peu plus loin, Mme Bun Thach, occupée à surveiller la cuisson du repas, reconnaît apporter crédit à ces prédictions. Si les prophéties de Im Borin sont confortées lors de la cérémonie du Sillon sacré, alors, confie-t-elle, elle commencera à se faire du souci pour les prochaines récoltes. “Chaque année, je dépense plus en engrais, en insecticides, etc. alors que les rendements diminuent. C’est la faute des insectes mormeach thnorth. On ne peut pas lutter contre eux, c’est une vraie malédiction! L’an dernier, ils l’avaient déjà dit que les insectes viendraient détruire nos récoltes...”, lâche-t-elle avant de pousser un grand soupir.
Chez les plus jeunes, on se dit plus pragmatique. C’est le cas de Phos, qui n’ignore pas le fléau que représentent les insectes, mais ne veut pas succomber au fatalisme des anciens. Bons ou mauvais présages, relève-t-il, l’imposant tas de riz qui se dresse devant sa maison, un excédent des dernières récoltes, suffira à nourrir les siens en cas de disette. “Ici, les rizières sont dorénavant bien irriguées grâce à un réseau de canaux, récemment construit par la commune. Cela aide à améliorer les rendements”, explique-t-il, tout en se moquant gentiment des paysans plus âgés, volontiers superstitieux.

En se dirigeant vers Takmao, le long de la RN2 fraîchement rénovée, vendeurs de fleurs et marchands de primeurs opposent un large sourire aux annonces de mauvais augure. Outre un secteur agricole affaibli, le Mahasangkran signale en effet que l’année sera assombrie par des maladies mortelles et autres maux. “Je pense bien au contraire que cette année sera bonne! Depuis le Nouvel an chinois, j’ai constaté qu’il y avait moins d’accidents sur cette route qu’avant, et moins de grabuge. C’est bon signe”, veut croire Tith Pheakdey, spécialisée dans la vente de manguiers. Sa voisine, Mme Sovannara, se montre tout aussi enthousiaste quand elle évoque l’augmentation de ses revenus au cours des fêtes, et une sécurité selon elle renforcée. “Tout le monde est en joie. Plus de gens se sont promenés durant le congé du Nouvel an et mon commerce ne s’est jamais aussi bien porté!” Thom, un menuisier installé à un jet de pierre de Pheakdey, partage le bon moral ambiant. D’ailleurs, glisse-t-il, il prête une oreille plus attentive aux prédictions chinoises que cambodgiennes. “Et selon l’astrologie chinoise, cette année sera formidable car c’est celle du cochon d'or. Les fêtes ont ainsi été plus joyeuses, il n’y a eu aucun problème à déplorer alors que l’an dernier, à cette même période, vingt accidents s’étaient produits sur cette route, tuant sept personnes. Je suis donc confiant.”

Chham Heng, vendeur de fruits au bord de cette même route nationale, voudrait que les Cambodgiens accordent moins d’importance aux prédictions. “Moi, je ne crois pas à ces choses-là. Je crois en revanche que les efforts seuls apportent des résultats. Si on se laisse tourner la tête par ces présages, on finira par faire mauvaise fortune à trop y croire...”, conseille-t-il avec sagesse.

Ung Chansophea

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