vendredi 11 mai 2007

Tioulong Saumura : “Nul besoin d’être une grande puissance pour jouer un grand rôle”

Tioulong Saumura, députée PSR de Phnom Penh, a été nommée vendredi dernier membre titulaire du comité de l’Union interparlementaire consacré au développement durable, à la finance et au commerce. Entretien.

Qu’est-ce que l’Union interparlementaire?
C’est comme une association internationale qui regroupe les parlementaires élus démocratiquement dans le monde entier. L’idée qui a présidé à la constitution de cette union interparlementaire, c’était de faire le pendant aux organisations internationales gouvernementales comme les réunions des ministres des Affaires étrangères de l’Asean qui, elles, regroupent l’exécutif.

A quoi sert cette Union?
Le premier but est de réfléchir ensemble à des sujets d’actualité qui peuvent intéresser les parlementaires de tous les pays. Les sujets trop régionaux n’auront pas leur place. Le thème des mutilations génitales des femmes par exemple n’intéressera pas tout le monde. Au contraire du terrorisme ou de la corruption qui sont des sujets éminemment internationaux. L’Union est un lieu de débats, d’échanges d’expériences. Les intérêts et les approches ne sont pas les mêmes d’un bout à l’autre de la planète. Nous recherchons ensemble une solution concrète que chaque parlementaire devra défendre devant son exécutif. C’est le rôle du député : légiférer, convaincre, faire pression, informer le public.

Quel était le thème de réflexion à l’assemblée générale de Bali la semaine dernière?
C’était les changements climatiques. Chaque comité débat selon ses compétences. Ainsi le comité pour la démocratie et les droits de l’Homme discutera des violations des droits de l’Homme ou des injustices qui découlent du réchauffement de la planète.

Quel rôle comptez-vous jouer dans le comité sur le développement durable, la finance et le commerce?
Je n’y ai pas réfléchi précisément mais je considère qu’il est de mon devoir de faire face à ce qui risque de faire souffrir tout le monde y compris les Cambodgiens. A Bali, j’ai récolté toutes les informations sur les mesures préconisées pour réduire les gaz à effet de serre et favoriser l’exploitation de sources d’énergie non polluante et renouvelable. Je voudrais notamment encourager la culture du jatropha curcas l., nom scientifique de la pourghère. C’est une plante de la famille des euphorbiacées, comme les hévéas, qui est utilisée au Cambodge comme barrière végétale mais dont on peut tirer une huile pour en faire un biocarburant. A Djakarta, en décembre prochain, aura lieu une réunion sous l’égide de l’Onu. Un fonds y sera créé. Si nous, Cambodgiens, nous développons l’utilisation d’huile de jatropha, nous recevrons une aide financière par le biais de ce fonds.

Mais du jatropha au biocarburant il y a des étapes de transformation...
Pour obtenir l’huile, il suffit d’une presse manuelle. J’en ai rapporté une d’Indonésie et j’ai fait l’essai moi-même. En revanche, on ne peut pas mettre l’huile telle quelle dans un moteur. Il faut d’abord lui faire subir un procédé chimique simple qui la rend moins visqueuse. Pourvu que votre moteur tourne au diesel, cette huile aura les mêmes propriétés que l’essence. La consommation n’est pas plus importante et les coûts réduits. Trois kilos de graines donnent 1L d’huile, ce qui revient à 1 200 riels le litre tandis que dans les campagnes, le litre de mazout est vendu 3 700 riels. Aujourd’hui, le Mali, la Tanzanie et le Brésil sont les pays les plus avancés sur l’huile de jatropha. Il faut encourager la coopération Sud-Sud. Les pays du
Nord, forts consommateurs d’énergie sont aussi intéressés. Les Allemands sont ceux qui ont le plus d’expertise sur cette plante car ils ont piloté les programmes maliens, tanzaniens et brésiliens. Au Mali aujourd’hui, les rendements sont de 4 tonnes par hectare.

Que peut apporter le Cambodge dans ce type d’institution?
Nous sommes tous égaux. Etre un petit pays ne nous empêche pas d’avoir des idées et de les exprimer. Il suffit parfois de prendre l’initiative. Ma philosophie remonte à l’époque des années 1960. On n’a pas besoin d’être une grande puissance pour jouer un rôle disproportionné par rapport à sa taille économique. A la conférence des non-alignés, Sihanouk traitait à l’égal des Nasser, Nehru, Sukarno et Mao Zedong. Il ne faut pas faire de complexe d’infériorité. Les idées peuvent aider à solutionner bien des problèmes dans le monde. C’est la tâche à laquelle je compte m’atteler.

Propos recueillis par Anne-Laure Porée
CS 08-05-2007

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