Selon le quotidien français Le Monde, le prochain rapport annuel de la Banque mondiale marque un tournant majeur. Il appellerait à une augmentation massive des aides publiques dans l'agriculture.La Banque mondiale serait-elle en train d’opérer un virage idéologique? C’est ce que laisse entendre le quotidien français Le Monde, qui publie dans son édition de vendredi des extraits de la version provisoire du prochain rapport mondial annuel de l’institution, le “World development report 2008”, à paraître en septembre. Selon le journal, “pour la première fois depuis 1982, ce rapport qui oriente la stratégie de la Banque mondiale se concentre sur l’agriculture”, grande oubliée des politiques de développement, des gouvernements comme des bailleurs de fonds. Il appelle sans détour les Etats à augmenter de façon significative leurs aides publiques au secteur agricole, ce qui peut apparaître comme un infléchissement notable du credo traditionnellement néo-libéral de la Banque mondiale.
Constatant que les trois-quarts des pauvres des pays en voie de développement sont des ruraux - 2,1 milliards d’individus vivant avec moins de 2 dollars par jour, soit un tiers de l’humanité - la BM professe désormais que l’hyperfocalisation sur l’industrialisation est dépassée, et que l’agriculture “est une source hautement efficace de croissance”. Regrettant les “sous-investissements” publics dans ce secteur et le fait que “les bailleurs ont tourné le dos à l’agriculture”, le rapport estime que cet “abandon” a eu des “coûts élevés pour la croissance, le bien-être et l’environnement”.
Depuis 1980, la part de l’agriculture dans les dépenses publiques a diminué partout dans le monde, mais c’est en Asie que cette chute est la plus forte (de 8% à 2,7%). Or c’est “dans les pays où l’agriculture est la plus vitale que les Etats tendent à être les plus faibles”. Longtemps prêtresse des dérèglementations en tout genre, la BM explique sa nouvelle ligne par une prise de conscience des nouvelles menaces économiques, alimentaires et environnementales qui menacent la planète. Le journal cite un des auteurs principaux du rapport expliquant : “On s’est clairement placé au-delà du consensus de Washington (1), parce que la pauvreté n’a pas reculé, et que maintenant il y a l’urgence de l’environnement.”
“On a oublié le développement rural”
Le directeur de l’Institut économique du Cambodge, Sok Hach, partage le constat du prochain rapport de la BM. “La Banque mondiale et les bailleurs n’ont pas accordé assez d’importance à l’agriculture. Les aides au développement sont quasiment insignifiantes dans ce secteur”, explique-t-il. “La BM et le FMI soutiennent depuis toujours les ‘ajustements structurels’ visant à accroître la capacité de l’administration publique. C’était nécessaire au Cambodge pour assurer la transition d’une économie planifiée à une économie de marché, mais on a oublié le développement rural”, dont dépend près de 80% de la population. Rappelant que l’objectif des “ajustements structurels” est de bâtir une administration forte et transparente, Sok Hach questionne l’efficacité de cette politique au Cambodge : “Est-que ça a marché? Existe-t-il un Etat au Cambodge?”, s’interroge-t-il.
Abondant dans le sens de la BM, il estime qu’une plus grande intervention de l’Etat dans le secteur agricole n’aurait rien d’une hérésie anti-libérale : “L’agriculture, comme tous les secteurs, ne peut survivre sans aide publique. L’aide publique est énorme dans la confection, à travers les exonérations de taxes...”, rappelle-t-il. S’il est favorable à l’orientation de cette première version du rapport mondial de la BM; Sok Hach reste prudent : “Ce sont des déclarations. ce qui comptent, ce sont les actes. Les donateurs s’intéresseront-ils pour autant à l’agriculture?”
Soren Seelow
CS 23-04-2007
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire