| Les exilés cambodgiens ont souvent tu leurs souffrances Au-delà du cas Douch, c'est le grand procès prévu en 2010 qu'attendent les Cambodgiens de France Les années Pol Pot ont marqué à jamais les vies de Bun-Long Seang et Claire Ly. Après les épidémies et la famine, la mort de leurs proches, les persécutions des Khmers rouges, ces deux Cambodgiens ont trouvé asile en France au début des années 1980. Bun-Long Seang a encore aujourd'hui la voix brisée par des sanglots lorsqu'il évoque les horreurs de sa jeunesse.
C3 47 ans, ce financier installé en région parisienne suivra avec attention le procès de Douch. « Je vais regarder la télévision cambodgienne, via Internet. J'ai besoin de comprendre comment des hommes ont pu forcer des enfants à tuer leurs propres parents. Ce ne sera pas facile, mais on a besoin de la vérité. »
Au-delà du jugement de Douch, c'est surtout le procès pour crime contre l'humanité, programmé pour 2010, qui est attendu des Cambodgiens de France. Claire Ly, auteur de deux récits bouleversants (1), explique les raisons culturelles qui ont empêché jusqu'à présent ce travail.  Manque de volonté des politiques « L'idée d'une justice contre l'impunité est très occidentale. Dans le monde bouddhiste, il y a la loi du karma selon laquelle tout être est rattrapé par ce qu'il a fait. Un proverbe cambodgien dit de vos actions qu'elles vous suivent comme une ombre. L'attente vis-à-vis d'un procès n'est donc pas la même. » Pour cette femme de 63 ans convertie au catholicisme, l'ouverture des pages noires de l'histoire du Cambodge renvoie aussi ses compatriotes à une douloureuse interrogation sur l'identité de ce peuple qui s'autopersécuta.
De retour d'un séjour de deux mois à Phnom Penh, Claire Ly dénonce le manque de volonté des politiques pour sensibiliser la population aux enjeux du procès. La diaspora ne sera pas forcément beaucoup plus mobilisée. La génération des réfugiés a refait sa vie, tourné la page et, le plus souvent, n'a pas partagé le fardeau du passé avec ses enfants. Bun-Long Seang, lui, a choisi de ne rien cacher à ses deux enfants âgés de 16 et 18 ans, qui parlent khmer. En 2004, pour la première fois, il les a emmenés au pays de leurs racines.
« C'est pour mes enfants, âgés aujourd'hui de 33 et 36 ans, que j'avais écrit mon histoire. Ce sont eux qui l'ont envoyée à un éditeur », raconte Claire Ly. L'écrivain reçoit de plus en plus de messages de jeunes de la seconde génération qui s'interrogent sur leur identité. Le procès du régime de Pol Pot pourrait les y aider.
Bernard GORCE
(1) Revenu de l'enfer (2002) et Retour au Cambodge (2007). Éd. de l'Atelier.
|
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire