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L'économie cambodgienne pâtit de son ouverture au monde
LE MONDE ECONOMIE | 23.02.09 | 11h36
Phnom Penh, envoyée spéciale
e devait être le plus haut immeuble résidentiel de Phnom Penh : avec 42 étages, dont 32 d'appartements, la Gold Tower 42, financée par des capitaux sud-coréens, devait transformer l'horizon de la capitale cambodgienne, encore très marquée par les maisons basses de l'architecture française du XXe siècle ; la première pierre fut fièrement posée en mars 2008.
Aujourd'hui, on peut encore admirer la maquette de l'ambitieux gratte-ciel et en visiter les appartements témoins, cho isir entre la décoration intérieure "American Classic" ou "style moderne", et se faire préciser que les appartements sont livrables en 2011. Mais le chantier de la tour, boulevard Manivong, est silencieux ; derrière les hautes palissades, les travaux paraissent arrêtés.
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La crise est donc arrivée aussi au Cambodge, l'un des pays les plus pauvres du monde, qui avait pourtant enfourché le cheval de la croissance asiatique ces dix dernières années, affichant une progression annuelle proche de 10 % et doublant le revenu par tête, passé de 285 dollars en 1997 à 593 en 2007. Mais la croissance a commencé à fléchir en 2008, et les institutions internationales prévoient entre 4 % et 5 % pour 2009, l'Economic Intelligence Unit, plus pessimiste, prévoyant même 1 %.
Les secteurs jusque-là porteurs - tourisme, confection - sont touchés. Les tensions politiques en Thaïlande, avec la fermeture de l'aéroport de Bangkok en décembre 2008, ont perturbé l'afflux de vacanciers occidentaux au Cambodge voisin, et la forte dégradation de l'économie en Corée du Sud, importante source de touristes pour le pays, a eu un impact sensible. Dans la confection, dont 67 % de la production était exportée sur le marché américain, 10 % des emplois ont été supprimés. Quant aux investissements directs étrangers, ils sont en baisse, comme le signale l'arrêt des chantiers de construction.
0A LE PIRE N'EST PAS ENCORE VENU
Une rafale de rapports internationaux sur le Cambodge, en février, a accru le pessimisme. Le Fonds monétaire international (FMI) a prédit un atterrissage dur ("hard landing") pour l'économie cambodgienne en 2009. L'Organisation internationale du travail estime qu'après les 500 000 travailleurs affectés par la crise jusqu'ici, 1 million d'autres vont suivre, surtout dans la confection et l'immobilier : les premières victimes seront les femmes et les migrants.
"Il y a deux ou trois mois, on se demandait encore : ça passe ou ça craque ?, commente l'économiste indépendant Sok Hach. Aujourd'hui c'est clair : ça craque." Pour lui, le pire n'est pas encore venu, car beaucoup d'effets de la crise mondiale ne sont ressentis ici qu'à retardement. Par exemple, "on sait que l'immobilier est en crise depuis un an, mais les opérateurs ont continué à investir pendant quelques mois".
Petite économie isolée, le Cambodge avait moins souffert que d'autres pays asiatiques pendant la crise de 1997-1998. Depuis, le pays s'est ouvert, son économie s'est libéralisée, et elle est devenue du coup plus vulnérable... "La population va survivre, poursuit Sok Hach, car 70 % des gens vivent du secteur informel. Mais il n'y a plus de moteur de croissance." Economiste de la Banque mondiale, Stéphane Guimbert pense que l'ag riculture peut être une source de croissance et d'emplois. Mais une source aléatoire, car très dépendante du climat. En fait, résume-t-il, "la crise mondiale révèle, au Cambodge, des vulnérabilités qui existaient déjà avant".
Le gouvernement a peu d'instruments économiques à sa disposition, faute de revenus fiscaux et d'instrument monétaire : le dollar américain est utilisé parallèlement à la monnaie locale, le riel. Pourtant, malgré les rumeurs annonçant son report, les autorités ne semblent pas vouloir renoncer à l'ouverture de la Bourse de Phnom Penh d'ici à la fin de l'année.
Sylvie Kauffmann
Article paru dans l'édition du 24.02.09
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